Quels enjeux éthiques sur les terrains de la recherche en communication internationale et interculturelle?

Sklaerenn Le Gallo
Rédactrice en chef – Université du Québec à Montréal

Saphia Arzhaf
Université du Québec à Montréal

Halima Bouhtala
Université du Québec à Montréal

Caterine Bourassa-Dansereau
Responsable de la revue – Université du Québec à Montréal

Stacey Caceus
Université du Québec à Montréal

Vicky Girard
Université du Québec à Trois-Rivières

Alexia Pilon
Université du Québec à Montréal

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Mener une recherche éthique en règle générale, et plus particulièrement dans le champ de la communication internationale et interculturelle, est une considération qui nous apparaît centrale. Qu’il s’agisse d’un positionnement dit « éthique » ou de considérations à prendre lors d’une recherche avec des êtres humains, la chercheure, le chercheur, se doit de s’interroger sur sa pratique, son positionnement personnel, épistémologique, et faire preuve d’une certaine réflexivité. Ainsi, « [l]a liberté académique s’accompagne de responsabilités incluant celle de veiller à ce que la recherche avec des êtres humains satisfasse à des critères scientifiques et éthiques rigoureux qui respectent et protègent les participants » (Gouvernement du Canada, 2014, p. 5), tout en nécessitant de la chercheure, du chercheur, une conduite rigoureuse, honnête et réfléchie (ibid.).

Les réflexions entourant cette notion d’éthique sont nombreuses et le champ est vaste, il nous a ainsi été important de questionner ces enjeux à travers l’organisation d’une activité scientifique regroupant les membres du GERACII. Ce troisième volume des Cahiers du GERACII fait donc suite au colloque organisé par le Groupe d’études et de recherches axées sur la communication internationale et interculturelle lors du 86ème congrès de l’ACFAS.

Lors de ces deux jours, nous avons pu aborder plusieurs relations que la chercheure, le chercheur, entretient avec sa recherche, avec les personnes qui composent son terrain, avec le contexte global dans lequel elle, il s’insère. Comment et pourquoi choisir un sujet d’étude ? Comment vivre son positionnement personnel par rapport à l’objet scientifique de son choix ? Comment mener un terrain de manière « éthique » et que signifie cette notion en présence d’autres personnes ? Comment penser la société, les relations de pouvoir et de domination d’un point de vue éthique ? Ces questions ont été au centre des discussions du groupe en mai 2018 et restent à l’avant plan de ce numéro thématique des Cahiers du GERACII.

Privilégiant une approche qualitative de participation-observante, Mylène Fauvel et Cheolki Yoon s’interrogent sur l’articulation méthodologique et éthique de cet ancrage particulier dans leur article intitulé « La participation-observante en contexte interculturel : une posture méthodologique éthique ». Si cette méthode permet de comprendre plus en profondeur la réalité d’un terrain de recherche interculturel, l’implication des personnes en charge de la recherche est conséquente tant au niveau du temps consacré, que de l’énergie nécessaire et exige une position d’autoréflexivité constante. En repartant de leurs travaux doctoraux respectifs, Fauvel et Yoon mettent l’accent sur la nécessaire relation de réciprocité qui existe entre le chercheur, la chercheure et son terrain de recherche et sur les défis éthiques que celle-ci entraîne.

Cette relation entre les chercheures et leur terrain d’étude s’observe à de nombreux niveaux. Dans le texte « Entretiens de recherche auprès des nouveaux arrivants : questionnements éthiques et obstacles liés au langage », Marianne Théberge-Guyon et Stacey Caceus s’intéressent aux échanges linguistiques, et plus particulièrement, aux difficultés éthiques, méthodologiques et épistémologiques entourant la barrière de la langue. À travers leurs recherches de maîtrise, Théberge-Guyon et Caceus ont été respectivement amenées à côtoyer des intervenantes, des intervenants en centre de francisation à Montréal et des personnes immigrantes dans la région de Calgary. À travers un positionnement herméneutique et un souci de co-construction des connaissances, les auteures ont dû conjuguer avec la barrière linguistique qui les ont amenées à mettre en place des stratégies « visant à favoriser la construction de sens commun entre les chercheures et les participants et le respect des normes éthiques ».

Dans le texte « Être chercheure féministe blanche en communication interculturelle : positionnement, enjeux éthiques et démarche épistémologique », Mylène de Repentigny-Corbeil aborde les enjeux éthiques découlant d’un positionnement d’extériorité face à une problématique spécifique. Il est ainsi question d’une réflexion sur la légitimité des chercheures, des chercheurs à aborder un sujet extérieur à leur expérience vécue. De Repentigny-Corbeil nous propose ainsi une réflexion méthodologique et épistémologique repartant des approches intersectionnelles et de la théorie du point de vue situé (standpoint theory) afin d’interroger la notion de parler pour/parler de telle que posée, notamment, par Linda Alcoff (1991). L’auteure met de l’avant dans son article la nécessité de prendre part à un processus autoréflexif dans le but d’évaluer et de reconnaître l’existence de ses propres privilèges par rapport à un objet d’étude. Cette reconnaissance d’un statut particulier – qu’il soit relatif à la race, au genre ou à la classe – est, pour De Repentigny-Corbeil, une étape essentielle dans la prise en compte de l’altérité et dans le refus d’appropriation de la parole de personnes discriminées.

Pour clore ce numéro, le texte « La place du, de la chercheur.e dans le cadre des enjeux écologiques en contexte international : attentes et réalités de la recherche » d’Arnaud Francioni nous invite à réfléchir au lien entre la chercheure, le chercheur face à son objet d’étude dans une approche de communication internationale. Dans son texte, Francioni met en lien les enjeux éthiques de la recherche – la nécessité d’une position autoréflexive, notamment, par rapport à son objet d’étude – et la question de l’environnement et de l’écologie. Repartant du point de vue selon lequel « s’intéresser aux enjeux écologiques, c’est en fait une prise de conscience de l’importance des éléments naturels et des milieux de vie », l’auteur nous invite à prendre de la hauteur sur les problématiques environnementales et la manière dont celles-ci sont présentées à l’heure actuelle. Autour du débat entre l’éco-capitalisme et l’éco-socialisme, Francioni soulève les limites d’un cadre trop restreint pour appréhender les dérèglements qui touchent aujourd’hui l’environnement à une échelle mondiale. La capacité de la chercheure, du chercheur, à prendre du recul sur sa pratique et à interpréter les risques majeurs et mineurs avec prudence sont, pour l’auteur, deux clés centrales dans une conception éthique de la recherche en communication environnementale.

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Pour citer cet artice
Le Gallo, S., Arzhaf, S., Bouhtala, H., Bourassa-Dansereau, C., Caceus, S., Girard, V., Pilon, A. (2018) “Éditorial. Quels enjeux éthiques sur les terrains de la recherche en communication internationale et interculturelle?”, dans Cahiers du GERACII [En ligne], Vol.3, No.1. Article mis en ligne le 20 décembre 2018. URL : https://geracii.uqam.ca/cahiers-du-geracii/volume-3-no1/edito/

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