Communication internationale et interculturelle : Quels enjeux à l’heure du numérique ?

Oumar Kane

Université du Québec à Montréal

Sklaerenn Le Gallo

Université du Québec à Montréal

Cheolki Yoon

Université du Québec à Montréal

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La question de la nouveauté est un thème récurrent de la recherche en communication et ce n’est pas un hasard si les préoccupations liées à la continuité et au changement sont également omniprésentes dans la recherche en communication internationale et/ou interculturelle. En communication, l’un des principaux axes d’analyse du changement social est celui de la dimension technologique, ce dont attestent des expressions controversées comme révolution technologique ou ère numérique qui sous-entendent une rupture radicale par rapport à une historicité et une époque précédente.

Dans le cadre de ce second numéro des Cahiers du GERACII, l’équipe éditoriale a fait le choix d’ouvrir les colonnes de la revue aux recherches qui interrogent d’une manière ou d’une autre la « question du numérique » tout en se situant dans le périmètre de la communication internationale et/ou interculturelle. Les contributions étudiantes ont été fortement encouragées, car la revue se veut un espace particulièrement hospitalier pour les jeunes chercheuses et chercheurs. C’est mission accomplie puisque parmi les trois articles publiés, un est issu d’une étudiante inscrite dans un programme de maîtrise en communication (Nara Anchises), un deuxième émane d’une jeune chercheuse (Aude Jimenez) qui a soutenu sa thèse en 2017 tandis que le troisième article a été produit par un enseignant-chercheur au Département des Sciences du langage et de la communication de l’Université Alassane Ouattara (Dja André Ouréga Junior Gokra).

Les objets investigués touchent à la gouvernance territoriale par les TIC (cas de la Côte d’Ivoire) et au rôle des réseaux socionumériques dans le processus d’intégration (cas des Brésiliens nouvellement arrivés au Québec). Ces deux problématisations partagent une préoccupation commune d’articuler la dimension technologique et son appropriation sociale en contexte organisationnel (Gokra) ou migratoire (Anchises). Ce faisant, ces deux recherches s’inscrivent dans une tradition de recherche en communication internationale et développement où les dispositifs de communication sont considérés comme structurants de la réussite des initiatives et de l’accomplissent des acteurs sociaux et des institutions.

Cette caractéristique géographique est également présente dans le troisième article intitulé « Prestige techniciste, rêve des organismes de coopération et réalité : le cas de la radio communautaire dakaroise « numérique » Manoore FM ». Inscrivant son analyse dans le contexte sénégalais de la coopération internationale et s’intéressant au médium radiophonique, Aude Jimenez s’inscrit dans une forte tradition en communication internationale qui articule la question du contenu médiatique avec la perspective du développement en contexte urbain. C’est dire que cette recherche renforce l’argument souvent avancé selon lequel « L’Afrique est le continent de l’oralité », d’où le fait que le médium radiophonique y ait une prégnance qu’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde.

On constate donc que la diversité des contextes évoqués (organisationnel, migratoire et de coopération internationale) témoigne de l’évolution même du champ de recherche que constitue la communication internationale en raison de sa proximité avec les études de développement. Cela a entraîné une révision des catégories autrefois figées du local et du global d’une part, et de l’international et de l’interculturel l’autre. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans les interactions au sein du groupe des Brésiliens immigrants à Montréal analysées par Anchises, la catégorie de l’interculturel fait surface pour rendre compte des stratégies de décodage de certains conflits de voisinage entre immigrants et non-immigrants.

Une autre lecture possible du point de vue d’une typologie communicationnelle permettrait de proposer une cartographie différente pour situer les trois contributions regroupées dans le présent numéro des Cahiers du GERACII. Elle mobilise d’abord la catégorie de communication pour le développement (COM4D) dans laquelle se situe l’article d’Aude Jimenez puisque les enjeux essentiels sont de ce point de vue le rôle des médias (sous-entendu de masse) comme moyen de favoriser le développement et le bien-être des communautés (nationales ou locales), même si la perspective ici proposée est à orientation critique. L’article de Gokra relève pour sa part de la catégorie des Technologies de l’information et de la communication pour le développement (TIC4D) dans la mesure où ce sont les réseaux numériques davantage que les médias de masse qui sont évoqués et pensés comme des conditions importantes pour favoriser la gouvernance locale ou régionale. Il est à cet égard intéressant de souligner que l’article de Aude Jimenez traite d’une radio « numérique », ce qui ouvre la possibilité de repenser l’articulation de la COM4D et des TIC4D.

La contribution de Nara Anchises, très explicite sur son cadre méthodologique, est originale dans la mesure où elle articule la dimension technologique propre à l’approche TIC4D avec une composante mobilisant des réseaux de sociabilité sur une base d’origine nationale (le Brésil) sur le sol d’accueil (Montréal). Ce faisant, le tableau présenté par ces trois contributions nous propose la mobilisation de dimensions récurrentes de la recherche en communication internationale et fait émerger, dans le même temps, l’articulation possible entre l’international et l’interculturel.


Pour citer cet article :
Kane, Oumar, Le Gallo, Sklaerenn et Cheolki Yoon (2017) « Communication internationale et interculturelle : Quels enjeux à l’heure du numérique ?  » , dans Cahiers du GERACII [En ligne], Vol.2, No.1. Article mis en ligne le 30 novembre 2017. URL : https://geracii.uqam.ca/cahiers-du-geracii/volume-2-no1/kane-legallo-yoon/

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